A day in Russia

Publié le par Romain Enselme

 

 

Il doit être environ 8 heures. Dehors le soleil est levé depuis au moins trois heures, l’été Russe laisse peu de place à la nuit. Dehors Youri est déjà en train de s’affairer dans l’atelier d’en bas. Je l’appelle Youri parce qu’avec son masque de soudeur il me fait penser au tueur de la cité de la peur. Il passe ses journées à découper des barres de fer, puis à les souder ensemble pour en faire des grilles.

 

 

Je dors plutôt mal ici, les lits sont inconfortables, les rideaux ne cachent pas le jour et dormir la fenêtre fermée est illusoire par cette chaleur. Je n’ai surtout plus le plaisir de me réveiller avec elle dans mes bras. C’est sans doute ça le plus dur.

 

Vers 10 heures, la disqueuse de Youri à raison de mon obstination à rester couché, je me lève.

 

 

La médiocrité de l’obchéjitié ne me dégoûte plus. Je ne m’aventurerai pas à le considérer comme beau ou agréable, juste qu’avec le temps on accepte de le considérer comme chez soi. On ne vient pas deux ans à l’étranger pour reconstituer notre vie française, je ne suis pas ici en touriste. La qualité de vie à la Française me manque, c’est certain, tous les français ici connaissent leurs envies de vin de Bordeaux, de saucisson, ou simplement d’entendre craquer une baguette de pain. Je repense à ma vie de petit bourgeois, aux courses au marché de Talensac où les langoustines du Croisic sautent encore sur l’étal, aux coquilles Saint Jacques sentant bon l’océan, aux mangues mures à point et aux ananas victoria. Tout ça est bien resté la bas, je me fais juste un peu de mal, mais je ne chercherai pas à retrouver ça ici, ce sera bortsch, pain noir et pirminis. Je suis de toute façon convaincu que pour la bonne bouffe, quelque soit le pays, c’était forcément pire qu’en France. C’est en effet un formatage culturel…

 

 

 

Je pénètre dans l’entrée, les chinois ont encore fait frire un vieux poisson ou un poulet faisandé 2 semaines, ça sent dans tout le couloir, je pense que j’aurais toujours du mal à supporter ça.

 

Peu importe, j’expédie les taches matinales usuelles. Elodie me rejoint pour quelques instants seuls tous les deux, avant de partir pour le cours de Russe.

 

 

 

Notre professeur s’appelle Svetlana, elle est née à Tachkent en Ouzbékistan. J’ai rarement vu une prof aussi adorable. Les seuls mots de Français qu’elle connaît sont « c’est la vie », « Je vais te tuer », et « Tombe la neige », piochés dans des films ou des chansons. Depuis, elle connaît grâce à nous quelques mots de plus que nous lui écrivons en cyrillique et qu’elle recopie consciencieusement. Elle s’adresse à nous presque uniquement en Russe, sont niveau d’Anglais étant assez limité. Cela ne l’empêche pas de nous raconter des contes qu’elle ponctue de gestes et d’explications qui nous permettent de comprendre. Nous sommes seulement six par classe, nous n’avons donc pas le temps de dormir en cours, les progrès sont rapides.

 

A la pause de midi, le repas est simple et peu varié, mais le prix est imbattable. Salade, soupe, plat, dessert et thé/café pour moins de deux euros. La pause est très courte, à peine le temps d’avaler le plateau et de faire un tour dehors pour les fumeurs.

 

 

 

Les cours se terminent vers 15 heures, ces après midi libres permettent de bouger un peu en ville, de passer en revue les coins mythiques de Moscou.

 

La place rouge tient ses promesses, une vaste étendue pavée, fermée au public à certaines heures de la journée, bordée par les murs rouges et imposants du Kremlin d’une part, par ceux du Goum, nouveau temple du capitalisme triomphant avec ses vitrines Gucci, l’Oréal ou Prada d’autre part. Les boutiques de luxe ont cependant épargné l’architecture du Goum, légère et lumineuse à coté des mastodontes Staliniens. Restent le musée d’état et la cathédrale Saint Basile sur les deux autres cotés. Le style de la cathédrale est particulier, mais ça me plait. J’ai été surpris par la taille du bâtiment, beaucoup moins grand que je ne pensais, et un peu perdu au milieu du reste, comme si la ville, ses routes et ses bâtiments s’étaient construits en laissant là un petit îlot.

 

D’autres lieux n’ont pas été épargnés. Le parc Gorky a été livré aux forains qui en ont fait un Luna park. Le VDNKh, à l’origine parc d’exposition des réalisations de l’URSS avec ses pavillons construits dans les styles architecturaux de chacun des pays, a lui été transformé en foire à tout et n’importe quoi, de la micro informatique au jardin en passant par les expositions de chats.

 

Retour à la maison par le métro, certainement un des plus performants du monde. Les stations sont propres, immenses (c’est parfois génant !), et somptueusement décorées. Je n’ai jamais compté plus de 5 minutes entre deux métros, quelque soit l’heure. Le temps de parcours entre stations est identique à celui du métro parisien, sauf que les stations sont deux fois plus éloignées. Grâce à lui, nous sommes donc à 15 minutes du centre ville.

 

L’heure est ensuite au repas du soir. Le choix n’est pas extraordinaire dans notre quartier, entre le Mou-Mou (un self pas trop mal), le bazar de l’Orient (une couverture pour le blanchiment d’argent qui sert des Chaourmas, les kebabs locaux, comme les nôtres en meilleur) et le MacDo, toujours utile dans les situations d’urgence. Il est aussi possible d’acheter un petit quelque chose dans un kiosque, mais bon quand ou n’a pas de cuisine…

 

C’est cette dernière solution qui est souvent adoptée pour sortir le soir dans les parcs ou dans la forêt, plus pour avoir quelque chose de solide avec la bière et la vodka que pour faire un vrai repas. J’avoue que les beuveries me faisaient un peu peur, mais il est en fait tout à fait possible de ne pas finir raide et d’accomplir ce geste d’amitié qu’est trinquer. Et dieu sait que les Russes sont adorables dès qu’on est un minimum introduit parmi eux, les amitiés se nouent rapidement, et ils sont d’une générosité incomparable.

 

Récemment Roberto, un ami argentin de notre étage, a mis Elodie en contact avec une Russe, guide touristique, qui cherche à faire de la conversation en Français. Une aubaine ! Le principe est qu’elle nous fait faire des visites en échange de conversation. Cette rencontre a été l’occasion d’organiser un petit « tea-time » improvisé très sympathique.

 

 

 

Nous avons eu plusieurs rencontres de ce type grâce au petit groupe d’amis formé par les Français d’ici, lors de soirées dans des parcs, en pique nique… Chaque fois l’accueil des Russes nous a très agréablement surpris, voire même gênés tant ce comportement est inhabituel en France, où les gens sont plus réservés si ils ne sont pas tout simplement désintéressés. Notre intégration commence ainsi petit à petit, par le jeu de ces multiples amitiés qui se forment, par ces tentatives de communication entre personnes de langues différentes. Certes la maîtrise du Russe me fait encore défaut, mais l’envie de communiquer est suffisamment forte et motivante pour me donner soif d’apprendre. Je suis décidé à prendre tout ce que ce séjour peut m’offrir ; Je suis de plus en plus convaincu qu’il y’a quelque chose à vivre ici.

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans La vie

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